Rapport d’activité médecine du travail 2022

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Rapport d’activité médecine du travail 2022

 

Depuis les ordonnances Macron, la négociation de branche peine à déboucher, tandis que du point de vue réglementaire, les décrets d’application dessinent le contour réel de la loi Lecocq : une dénaturation de la médecine du travail, sous couvert de détournement vers la santé publique.

 

Convention collective : la négociation collective est en panne

La Formation professionnelle a abouti à un accord, dans le cadre de la loi de 2018, qui a imposé une refonte des structures conventionnelles de négociation (CPPNI, CPNEFP, Section Paritaire Professionnelle), dans un lien avec l’OPCO, qui exige lui-même des réaménagements permanents des accords, dont dépendent les possibilités de formation des personnels. Les négociations ont abouti à une contribution conventionnelle de la branche de 0,35% de la masse salariale en plus des obligations légales, pour être mutualisée pour les formations dans la branche. Son niveau devra sans doute être augmenté pour répondre aux besoins.

 

Il s’agit d’un gros travail, totalement nouveau pour nous car il n’y a jamais eu d’OPCA de branche avant cette loi, et le patronat de PRESANSE n’a aucune tradition de paritarisme en la matière.

Cette situation complexe exige des clarifications fréquentes avec la représentation de FO aux instances de l’OPCO Santé.

 

Handicap et télétravail : nous avons signé deux accords sur ces domaines, non pas parce qu’ils apportaient des acquis décisifs, mais parce qu’ils préconisent dans la branche un certain respect du paritarisme dans les services. Le défaut essentiel de ces accords est que, dans ces domaines, l’accord de service l’emporte sur l’accord de branche, et donc ils ne sont pas contraignants pour les directions. (c’est d’ailleurs la raison pour laquelle PRESANSE a mis en avant leur négociation).

 

Salaires et classification : c’est là que surgissent les vrais problèmes et les blocages, ce qui a été le cas pour la révision de la classification : blocage de PRESANSE contre la revendication intersyndicale de la reconnaissance générale du niveau « licence » pour les infirmières et de leur accès au niveau « cadre ». La plupart n’ont que des « morceaux » de licence et sont « assimilées cadres ».

Le sujet reviendra sur le tapis avec les « infirmières en pratiques avancées » contenues dans la loi Lecocq (décret d’application en attente) :

– Pas d’accord salarial en 2021 : une année blanche, alors que de nombreux salariés ont subi en 2020 le chômage partiel, la plupart du temps non compensé à 100% par les services.

– En 2022 : alors que le SMIC augmentait de 4,14% depuis le 1-1-2021, la négociation a été dévoyée par la CFDT (appuyée par CGT et SNPST), revendiquant une augmentation « en numéraire » de 183 euros net selon le modèle du SEGUR (qui ne correspond nullement à notre convention collective, fondée sur le code du travail, et non sur le « code de l’action sociale et des familles »)/

Il a suffi à PRESANSE de faire traîner, et de dire « non », en plafonnant la hausse à 2,4% (que, seuls, nous n’avons pas signée).

Dans la situation actuelle, l’augmentation du SMIC à nouveau de 2,65% le 1er mai, est très proche d’atteindre le dernier niveau de la grille.

Nos revendications seront centrées sur : -une « revoyure » sur les salaires (dans les services, l’accord de branche à 2,4% a servi de plafond, plus que de plancher, pour les négociations : les services jouent sur le fait que les salaires locaux sont souvent au dessus du minimum conventionnel) et aussi le rétablissement de 10 jours annuels de délégation pour les congrès et réunions statutaires (dénoncés par le patronat en 2012)

Sur ces deux sujets, nous espérons un soutien intersyndical.      

  

Loi Lecocq et premiers décrets d’application

Déjà lors du congrès de la FEC, nousavions pointé deux articles étrangers à l’ANI du 9 décembre 2020 : l’article 27 qui prévoit une possibilité de rendez-vous de liaison entre salarié et employeur à l’issue d’un arrêt de travail (c’est-à-dire une « pré visite patronale », au lieu d’une pré visite médicale) ; et l’article 31, qui fait intervenir l’ARS (donc le ministère de la santé) pour instaurer des médecins praticiens correspondants « si besoin » dans les services, qui ne sont pas des médecins du travail, mais assureraient des visites pour les salariés « sans risques particuliers » (ceux qui ne verront jamais un médecin du travail !).

 

Comme nous l’avions pressenti, l’essentiel de la loi se tourne vers la PDP (prévention de la désinsertion professionnelle), mais sans aucune contrainte de reclassement pour l’employeur. Des formules sibyllines limitentles droits des salariés, l’employeur est mis comme écran entre le médecin et le salarié, et le remplacement des médecins par des infirmières est mis en perspective (« infirmières de pratiques avancées »), sans perspective d’augmenter le nombre de médecins du travail.

Quelques décrets commencent à tomber dans ce sens :

 

CNPST et offre socle : le salarié peut avoir une visite médicale…mais le rendez-vous est pris par l’employeur. Et si le salarié ne veut pas qu’il soit au courant ? Ce n’est pas prévu, dit le décret.

Mais c’est une entrave au secret médical, dit l’Ordre des médecins (voir ci-après)

 

Essai encadré : dans le cadre des indemnités journalières, il peut avoir une durée limitée (maximum 28 jours)

 

Instruction du 26 avril sur la mise en place de la cellule de prévention de la désinsertion professionnelle : ce qui n’est pas clair, c’est comment est « activée » la cellule, elle peut l’être par l’employeur, à l’insu du salarié…(?)

 

Visite de pré reprise : la visite de pré reprise est possible après un arrêt de 1 mois (et non 3 mois), mais la visite de reprise n’est obligatoire qu’après 2 mois d’arrêt (et non 1 mois)

On ne voit pas encore bien comment tous ces décrets s’articulent.

 

Deux exemples anecdotiques montrent l’embarras de l’administration dès lors qu’une résistance apparait, car le Code du travail n’est pas entièrement détruit, et il reste la déontologie médicale

 

Lettre à l’inspecteur du travail

Cela concerne une collèguemédecin, isolée dans un service du BTP, que l’employeur veut mettre à la retraite sans la remplacer. (en octobre 2021)

Elle dit « non », demande l’avis de l’inspecteur du travail, comme c’est de droit pour un médecin du travail, pour vérifier que son indépendance n’est pas mise en cause (il y a eu des conflits avec plusieurs employeurs). Elle plaide devant le CA, puis le CSE, mettant en évidence le rôle qu’ont joué les avis des médecins pour l’agrément du service, qui serait remis en cause si son temps médical n’est pas remplacé.

Le médecin inspecteur émet un avis défavorable à la mise en retraite.

L’inspecteur du travail finit par accepter la mise à la retraite, en avril, au bout de plusieurs mois, s’appuyant simplement sur la loi permettant à l’employeur de mettre à la retraite un salarié de plus de 70 ans (sans tenir compte de l’agrément qu’il a lui-même donné)

Mais notre collègue, dont le remplacement n’est pas garanti, est toujours là en mai (en fait, la fusion du service avec un autre ne se passe pas très bien).

 

Lettre au Conseil de l’Ordre des médecins

Le salarié a droit à visite auprès du médecin….

Mais le rendez-vous est pris par l’employeur, comme le stipule le décret sur l’offre socle…

Et s’il ne veut pas que l’employeur soit informé ? La demande de rendez-vous n’est-elle pas couverte par le secret, si le salarié le demande ?

La Confédération a posé la question à l’Ordre des médecins, qui a confirme par lettre que le fait pour un salarié de prendre rendez-vous est couvert par le secret médical

Cette lettre reviendra à la discussion au Ministère, alors que le décret est sorti.

A suivre…

 

Dans les services, la combinaison de non augmentation des salaires avec l’absence de moyens pour la santé des salariés aboutissent à des explosions de colère, devant le déficit en moyens, actuellement, c’est le cas à Amiens où le service est en grève.

Nos revendications recoupent la restauration du code du travail et le respect de la déontologie médicale :

  • Restauration du CHSCT ;
  • Arrêt réel du numerus clausus ;
  • Protection des infirmières et des intervenants en entreprise ; 
  • Retour à la protection de l’avis médical par l’inspecteur du travail ; 
  • Réintégration des salariés suspendus et paiement de leurs salaires ; 
  • Respect du secret médical par la loi elle-même.